En légalisant le cannabis récréatif, la Californie devient la plus grande région du monde à légiférer dans le sens d’une abolition de la prohibition.
La Californie a fini par suivre la voie de la légalisation. Elle devient le huitième état à abolir la législation répressif après l’Alaska, le Colorado, le Maine, le Massachusetts, l’Oregon, Washington et le Nevada. Mais elle devient surtout l’état le plus peuplé à prendre cette décision.
Cependant le chemin a été particulièrement long, pour l’une des régions où l’interdiction fut longtemps l’une des priorités du gouvernement, avec une prohibition datant de 1915.
Comment un état passe de la répression à la légalisation, un exemple pour le reste du monde.
Toutes les personnes ayant connu la Californie au début des années 90 se souviennent des campagnes contre la drogue qui y sévissaient.
Elles ne faisaient pas dans le détail, et tous les produits étaient traités de la même manière, qu’il s’agisse du cannabis, de l’héroïne ou de la cocaïne.
Quel cheminement a donc eu lieu afin de permettre une levée de l’interdiction qui semblait pourtant difficile à imaginer il y a seulement 30 ans?
Depuis les années 80, la Californie avait mise en application une politique stricte contre toutes les drogues avec le programme D.A.R.E (Drug Abuse Resistance Education). Ce programme se basait sur une tolérance zéro contre toutes les drogues, sans faire la moindre distinction.
Cette politique était dans la droite ligne du rejet en 1972 de la «Proposition 19» par les électeurs. Il s’agissait d’une première tentative de décriminalisation de l’usage du cannabis. Le seul assouplissement minime de la loi ne proviendra pas des électeurs mais du parlement californien, qui en 1976 avec le « Bill 95 », passera la possession de petite quantité de cannabis (soit 28,5 grammes ou moins) de crime à un simple délit, passible d’une simple amende.
Durant ces années, et jusqu’aux années 90, il n’était donc pas rare de voir circuler des bus sur lesquels des affiches D.A.R.E. mettaient en garde contre le cannabis. C’est à cette époque que le candidat, mais pas encore président, Bill Clinton doit se justifier d’avoir fumé un joint étant jeune en expliquant ne pas avoir avalé la fumée.
Pourtant des nombreuses études avaient pointé du doigt l’inefficacité du programme, et voir même sa dangerosité en refusant de conformer sa politique avec les avancées scientifiques autour du cannabis.
Le long chemin de la légalisation
Néanmoins, c’est en 1996 qu’une importante brèche est créée dans ce dispositif répressif.
Le 5 novembre de cette année, les électeurs de Californie, par une majorité de 55% votent pour le Proposition 215. Cette loi permet aux personnes atteintes de cancer, d’anorexie, du sida, de paralysie spasmodique, de glaucome, d’arthrite, de migraines ou d’autres maladies chroniques le «droit légal d’obtenir ou de faire pousser, et d’utiliser le cannabis à des fins médicales lorsque recommandé par un médecin».
Il s’agissait du point de départ à des modifications et précisions légales autour de la consommation, mais dorénavant, il n’était plus possible de revenir en arrière.
La manière particulièrement floue dont la loi avait été rédigée fut sujette à la critique. Ainsi le sénat de Californie passa la loi SB (Senate Bill) 420, établissant la création d’une carte d’identité des acheteurs de cannabis et autorisant la création de collectifs de patients permettant la distribution de cannabis.
Mieux encore, la justice californienne précisa en 2010 qu’il n’existait pas de limite à la quantité de cannabis qu’un patient pouvait posséder. Le gouverneur Arnold Schwarzenegger signa en septembre de cette année une loi faisant passer la possession de 28,5 grammes de cannabis, de délit à une simple infraction.
Vers la légalisation du cannabis à usage récréatif
C’est cette même année 2010 qu’eu lieu une tentative de légaliser la consommation récréative via un vote populaire. La « Proposition 19 » a été soumise au suffrage des électeurs et fut rejetée par une majorité de 53,5% des voix. Cette loi aurait permis, dès cette époque, de légaliser la consommation et la production de cannabis pour toutes les personnes âgés de plus de 21 ans, dans un cadre similaire à celui de la législation sur l’alcool.
Mais ce n’était que partie remise.
Ainsi le 8 novembre 2016, la « Proposition 64 » ou « Adult Use Marijuana Act » fut adopté par 57% des électeurs californiens. Cette loi permet l’usage du cannabis à but récréatif. Sa date de mise en application: le 1er janvier 2018. Elle reprend les mêmes éléments que la proposition précédente, en appliquant au cannabis ce qu’il se fait pour l’alcool.
Il reste une ambiguïté fondamentale. Si le cannabis est légale au niveau de l’état, il est encore illégale au niveau fédéral. Ainsi, si Washington D.C. n’a pas mis son nez dans le cannabis médical, il pourrait en être autrement avec le récréatif. Cela pourrait annoncer une nouvelle bataille juridique… mais cette fois-ci au niveau du pays tout entier.
Que comporte cette loi et quel est son objectif?
Il ne s’agit en aucun cas d’une ouverture totale et libre de la consommation de cannabis. Plutôt que de lever une interdiction totale, elle offre plutôt un cadre légale pour l’usage de la plante.
Où peut-on acheter?
Cela dépendra tout simplement d’une chose: la ville où l’on se situe. Ce qui semble apparaître en ce début de légalisation est une grande diversité dans l’application de la loi sur le territoire californien. Ainsi le comté de Kern a banni la vente de cannabis. De même les villes de Glendale, Pasadena et Burbank refusent l’existence de dispensaires de cannabis récréatif, en exprimant des réserves concernant la sécurité et la santé. A l’opposé, d’autres villes accueilles la nouvelle loi à bras ouvert. Des communes tel que West Hollywood, San José, San Diego, San José ou Shasta Cruz sont déjà prêtes pour l’ouverture des commerces. En revanche Los Angeles attend d’adapter sa propre législation locale. Par la suite la ville permettra la création de zones de vente.
Où et comment peut-on consommer?
Toute consommation est réservée avant tout pour les personnes ayant 21 ans et au delà. De plus, tout usage dans un espace public est interdit. Ce sont donc des lois similaires à celle concernant le tabac qui sont appliquées. Les consommateurs devront également s’assurer de ne pas être à moins de 300 mètres d’une école ou d’un lieu accueillant des enfants (sauf dans le cas où le domicile se trouve dans cette zone) et de ne pas non plus être dans un véhicule. La consommation en boutique sera laissée à l’appréciation des villes et des comtés.
Peut-on faire pousser ses propres plants?
Chaque personne a la possibilité de faire pousser un maximum de 6 plantes. Elle ne devront pas être visibles de l’extérieur. La culture devrai se faire dans un cadre strictement privé, et à condition de se soumettre à la législation locale.
Combien récupérera l’état sous forme de taxe?
C’est la question à un milliard de dollars. Car on parle à terme de ce montant dans les caisses de l’état. Pour la première année, on estime le montant à 684 millions de dollars. Le marché du cannabis pour l’état de la côte ouest est estimé à 7 milliards de dollars par an. La Californie imposera le cannabis à hauteur de 15%. Des taxes locales se rajouteront décidées par les villes et les collectivités. Les fonds collectés ont déjà vu une partie de leur répartition décidée. Ainsi 2 millions de dollars seront consacrés à la recherche médicale, 3 millions pour la sécurité routière liée à la conduite sous l’influence de l’alcool ou du cannabis. De plus 10 millions de dollars seront utilisés par l’Université Public de Californie afin de financer la recherche sur la légalisation, et 10 autres millions afin d’aider les quartiers touchés par le crime.
Quelle répercussion sur le cannabis médical?
Il s’agit d’un des points essentiels de cette législation. La nouvelle loi sur le cannabis récréatif est totalement distincte de celle concernant le cannabis médical. Les implications de l’une n’auront donc pas d’impact sur l’autre.
Le cas californien, un exemple pour l’Europe
Tous les regards des états du monde, et en particulier ceux d’Europe, se tournent vers la Californie. Il s’agit d’un cas concret à l’échelle d’un état. Ces dimensions sont équivalentes à celles de nombreux pays européens.
Les états prohibitionnistes en Europe, tel que la France, ne pourront pas l’ignorer longtemps. Il se déroule de l’autre côté de l’Atlantique une étape importante.