Cannabis légal en Allemagne en 2023 ?

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Cannabis légal en Allemagne en 2023 ?

Récapitulatif : Exigences potentielles pour la production, la distribution et le commerce en Allemagne

Les trois partis au pouvoir en Allemagne avaient déjà inclus le projet de légalisation du cannabis dans leur accord de coalition de 2021. Après que le cabinet ait approuvé par résolution un document sur les points clés sur ce sujet, qui a été publié le 26 octobre 2022, une proposition législative concrète se fait toujours attendre et de plus en plus de voix s’élèvent pour remettre en question les avantages en matière de santé et de dépénalisation.


Cet article se concentre sur les exigences déjà identifiées dans le document pour la production, la distribution et le commerce du cannabis (bientôt ?) légalisé, ainsi que sur les obstacles qui restent à surmonter pour la légalisation des produits du cannabis.

Le document sur les points clés de la légalisation des produits du cannabis

Le document susmentionné n’est pas encore une proposition législative qui pourrait être soumise au vote du Parlement. Néanmoins, on peut supposer que les points clés présentés pourraient également se retrouver dans une future proposition législative. Le fait qu’une autre version du document ait circulé peu de temps auparavant, qui prévoyait des directives plus strictes dans certains domaines (par exemple, la concentration de THC et les quantités à posséder), montre bien que les plans sont toujours sujets à des changements constants.

 Seules certaines formes de cannabis seront autorisées

Tout d’abord, nous allons voir quels sont les produits du cannabis qui, selon le document, seront effectivement soumis aux plans de légalisation. Il est prévu d’autoriser uniquement certaines formes de cannabis à des fins de consommation. En particulier, les cannabinoïdes produits synthétiquement ne seront pas autorisés. 

Les produits destinés à être fumés, inhalés, administrés par voie nasale ou orale sous forme de capsules, de sprays et de gouttes seront autorisés comme formes de dosage. Une extension à ce que l’on appelle les “edibles”, qui sont des produits autres que des aliments offerts à la consommation orale, doit être envisagée dans le cadre d’une évaluation. 

Le document mentionne que d’autres spécifications pour le cannabis destiné à la consommation humaine seront définies afin de garantir la qualité et la pureté. Toutefois, le document ne précise pas ces exigences en détail. En particulier, la version publiée du document ne contient pas de définition claire de la teneur maximale en THC. Toutefois, les teneurs en THC devront être déclarées et il y aura des spécifications sur les produits phytopharmaceutiques, les mycotoxines et les micro-organismes (par exemple, la fixation de limites maximales). Les mélanges avec du tabac et de la nicotine ainsi que l’ajout d’arômes ne seront pas autorisés.

Restrictions à la vente et distribution dans les magasins agréés et contrôlés par les autorités

L’âge minimum pour la vente et l’achat de cannabis sera fixé à 18 ans. En raison du risque accru de lésions cérébrales liées au cannabis à l’adolescence, il est envisagé de fixer une limite supérieure à la teneur en THC pour la fourniture de cannabis aux adultes jusqu’à l’âge de 21 ans. En outre, un effet de contrôle sur la teneur en THC doit être obtenu par une taxation linéaire basée sur la teneur en THC.

Seule une quantité maximale d’achat par personne correspondant à la quantité maximale autorisée de possession personnelle (entre 20 et 30 grammes) peut être vendue par achat et aucune vente ne peut être effectuée pour des tiers.

La distribution contrôlée de cannabis à des fins de consommation sera autorisée dans des magasins agréés et contrôlés par les autorités, tandis que la distribution par les pharmacies est également envisagée.

Les magasins devront se concentrer uniquement sur la vente et le conseil en matière de consommation de cannabis. Il n’y aura aucune combinaison avec la vente d’autres stimulants tels que le tabac et l’alcool.

Les exploitants et le personnel de vente des magasins seront tenus de fournir la preuve de leur expertise et de leurs compétences spécifiques en matière de conseil et de prévention. En outre, une personne de contact pour la protection des mineurs devra être désignée pour chaque magasin. Un entretien de conseil devra être proposé pour chaque achat.

Les magasins devront respecter les distances minimales nécessaires par rapport aux écoles, aux établissements pour enfants et pour jeunes. En outre, une limite à la densité des magasins, tenant compte de la densité de la population, doit être respectée.

Seuls les adultes seront autorisés à accéder aux magasins. Pour s’en assurer, un contrôle systématique de l’âge devra être effectué à l’entrée des magasins (ou dans les pharmacies avant la vente).

La question de savoir si les magasins offrant la possibilité de consommer sur place doivent également être autorisés est encore à l’étude. De même, la question de savoir si et dans quelle mesure la vente en ligne ou par correspondance aux particuliers doit être autorisée nécessite un examen plus approfondi.

Interdiction générale de la publicité

En outre, les plans de légalisation figurant dans le document prévoient une interdiction générale de la publicité pour le cannabis destiné à la consommation humaine, qui s’appliquera également à la conception de l’emballage. Le cannabis destiné à la consommation humaine ne sera donc vendu que dans un emballage extérieur neutre, sans aucun motif promotionnel. 
Il sera interdit de faire de la publicité pour des suggestions d’achat par les magasins dans la présentation extérieure ou sur internet. Seules des informations factuelles, par exemple sur le lieu de vente, seront autorisées.

Des exigences strictes pour les emballages et les notices

En termes d’emballage, le cannabis ne pourra être vendu que dans des récipients à l’épreuve des enfants et dans un emballage neutre.

Les informations obligatoires suivantes devront être indiquées sur l’emballage :

  • producteur/cultivateur et pays de culture poids date de récolte type durée de conservation minimale concentration en THC et CBD
  • avertissements concernant la limite d’âge, la non-consommation pendant la grossesse et la non-consommation en relation avec la conduite (imminente) d’un véhicule ou l’utilisation de machines
  • code QR permettant d’accéder à des informations sur la consommation de cannabis

Les produits à base de cannabis devront être accompagnés d’informations éducatives sur le cannabis, la consommation à faible risque et les risques de la consommation, ainsi que d’informations sur les services de conseil et de thérapie.
Production et distribution sous la surveillance stricte de l’État par l’octroi de licences et le contrôle

Le système d’octroi de licences et de contrôle

La production et la distribution des produits du cannabis seront soumises à une surveillance stricte de l’État par l’octroi de licences et un contrôle à tous les niveaux. Selon le document, l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et de commerce (culture, transformation, transport, vente en gros, vente au détail) doit être soumis à un système de contrôle (suivi et traçabilité) qui comprend la documentation des différentes étapes de la chaîne.

La culture, la transformation, le stockage, le transport et la vente de cannabis destiné à la consommation humaine ne seront autorisés que si un titulaire d’une licence a reçu une autorisation des autorités fédérales ou régionales pour exercer cette activité. Il sera possible d’accorder une licence distincte à chaque élément de la chaîne d’approvisionnement. L’octroi d’une licence sera soumis à une redevance et une quantité limite sera fixée. La durée de la licence sera limitée dans le temps et pourra être prolongée plusieurs fois sur demande.

Les autorités ou les institutions mandatées auront le droit d’inspecter toutes les parties de la chaîne d’approvisionnement pour s’assurer qu’elles respectent leurs exigences. Les violations constitueront une infraction administrative et seront punies d’une amende. La violation répétée des règlements peut entraîner des poursuites pénales et la licence peut être retirée.

Exigences relatives aux licences

Les titulaires de licences peuvent être des personnes physiques ou morales. Ils sont tenus de fournir aux autorités un aperçu de tous les aspects de leurs activités liées au cannabis destiné à la consommation humaine. En particulier, ils doivent satisfaire aux exigences suivantes pour obtenir une licence :

  • la preuve de la fiabilité requise
  • la preuve de la fiabilité requise des personnes qui ont accès aux plantes de cannabis ou aux produits qui en sont dérivés
  • preuve de l’expertise requise du titulaire de la licence ou de la personne responsable de la gestion de l’entreprise
  • la preuve de l’inscription du bénéficiaire effectif dans un registre des entreprises de l’UE
  • la preuve d’une solvabilité financière suffisante au regard du champ d’application de la licence demandée
  • l’élaboration d’un concept de protection contre le vol et la fraude.

Des exigences spécifiques pour la culture sont en cours d’élaboration

Enfin, le document indique que des critères appropriés pour la production sont encore en cours d’élaboration. Il sera essentiel que la méthode de culture garantisse une qualité adéquate.

Obstacles à surmonter dans le cadre juridique

Selon le document, l’évaluation actuelle est que le commerce international du cannabis à des fins de consommation n’est très probablement pas conforme aux cadres internationaux existants. Selon les conditions du cadre international, seul le commerce international à des fins médicales ou scientifiques est possible, et uniquement dans des conditions strictes.

 En outre, il existe d’autres obstacles juridiques qui font que l’on peut se demander si le gouvernement allemand sera en mesure de réaliser ses projets de légalisation tels qu’ils sont exposés dans le document. Un certain nombre d’experts considèrent que ces plans sont incompatibles avec le droit international et le droit européen.

Le cadre international

En ce qui concerne le droit international, il faut notamment considérer les conventions suivantes pour le système de contrôle international concernant l’usage des drogues :

  • la Convention unique sur les stupéfiants de 1961
  • Convention sur les substances psychotropes de 1971
  • Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988

Ces conventions ne prévoient pas de réglementation nationale pour des raisons non médicales. Même si la production, le commerce et la distribution étaient entièrement contrôlés par l’État, l’Allemagne pourrait être considérée comme enfreignant les accords. D’autre part, certains experts plaident pour une interprétation restrictive des conventions en ce qui concerne le cannabis, car les conventions ne feraient pas suffisamment la différence entre les drogues “douces” et “dures”. Les rapports d’experts du service scientifique du Bundestag allemand mentionnent également ces obstacles en relation avec le droit international, et en mentionnent d’autres qui existent du point de vue du droit européen. Ces rapports n’ont pas été commandés par le gouvernement, mais par l’opposition. Dans tous les rapports d’expertise, les juristes du Bundestag s’abstiennent toutefois d’évaluer si la coalition gouvernementale peut réussir à assurer la compatibilité avec le droit international dans le processus législatif. Ils se contentent de documenter les obstacles juridiques que le gouvernement pourrait avoir à surmonter.

Le cadre européen

En ce qui concerne le droit européen, il existe des préoccupations, principalement parce que l’Allemagne est liée par (deux) traités européens existants qui pourraient faire obstacle à la légalisation :

  • Premièrement, la décision-cadre de l’UE de 2004 : Selon cette décision, chaque État membre de l’UE doit criminaliser la production, l’offre et la vente de drogues. Elle s’applique à toutes les drogues énumérées dans la Convention de 1971 sur les substances psychotropes, y compris le cannabis. La décision-cadre exige également que chaque État membre sanctionne les violations par des “sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives.”
  • Deuxièmement, le protocole de Schengen : En vertu de ce protocole, les pays signataires, dont l’Allemagne, se sont engagés à “prévenir l’exportation illicite de stupéfiants de toute nature, y compris les produits du cannabis, ainsi que leur vente, leur obtention et leur distribution, par des moyens administratifs et pénaux.”

En outre, les experts s’accordent à dire que l’approche choisie aux Pays-Bas n’est pas un modèle pour les plans de légalisation en Allemagne. Là-bas, la “loi sur l’opium” est toujours en vigueur, ce qui fait de la culture, de la vente et de la possession de cannabis un délit punissable. Toutefois, la possession et la vente de plus petites quantités sont “décriminalisées de facto”. Dans tous les cas, la police confisque la drogue, même si elle se situe dans la fourchette de tolérance. La vente de cannabis est “formellement illégale” mais n’est pas poursuivie dans la limite de la tolérance. La culture et l’acquisition de plus grandes quantités de cannabis restent pleinement punissables. En revanche, selon les plans allemands, ces aspects seraient exemptés de toute responsabilité pénale et seraient formellement légalisés.

Conclusion et prochaines étapes

Comme on peut le voir, les plans actuels de légalisation du cannabis en partie contiennent déjà des critères détaillés, par exemple sur les exigences relatives aux indications sur l’emballage et les notices d’emballage.

Cependant, il est également clair qu’un consensus pour les caractéristiques des produits du cannabis eux-mêmes n’a pas encore été trouvé et, par conséquent, aucune spécification détaillée n’est possible, par exemple pour la culture.

Même si le document doit être considéré comme une étape importante vers l’élaboration d’une légalisation du cannabis, il n’est pas encore prévu qu’une proposition de législation soit introduite au Parlement dans la foulée. Le ministre fédéral allemand de la santé, Karl Lauterbach, semble vouloir demander une procédure de notification officielle d’une proposition législative par la Commission européenne. En décembre 2022, il a informé sur la manière de procéder : “Nous voulons une sécurité juridique. C’est pourquoi nous souhaitons que la proposition législative de la Commission européenne soit notifiée dès qu’elle sera disponible. Les points clés ne peuvent pas être notifiés, mais seulement une proposition législative.” En outre, le ministère de la Santé de Lauterbach a commandé une expertise qui examine les conséquences d’une distribution contrôlée de cannabis aux adultes. L’objectif est évidemment de convaincre la Commission européenne que la loi prévue limitera la consommation de cannabis, réduira le marché noir et améliorera la protection des enfants et des jeunes.

Selon M. Lauterbach, l’obtention de l’avis des experts ne devrait pas entraîner de retard. Il est toujours prévu que la proposition législative soit finalisée au cours du premier trimestre de 2023 et qu’elle soit ensuite soumise à la Commission pour notification. En cas de réaction positive de Bruxelles, il est prévu de soumettre la proposition législative au vote du parlement dès le second semestre 2023.

Rédigé par Christiane Alpers et Lasse Heber.

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