Les personnes sourdes ou malentendantes méritent d’accéder à l’information sur le cannabis, à l’instar des personnes entendantes.
Lorsqu’une personne sourde essaie de communiquer sans la présence d’un interprète et qu’on lui donne du papier et un stylo pour essayer d’avoir une conversation, elle est mise dans une situation dans laquelle elle essaie de communiquer dans une autre langue. Aux Etats-Unis, en entrant pour la première fois dans un dispensaire, son seul choix est de relayer rapidement toutes les questions ou préoccupations sans les outils linguistiques appropriés.
Les difficultés de communiquer sur le cannabis
Dans les dispensaires, même lorsque le vendeur parle couramment la langue des signes, il existe des obstacles majeurs pour les personnes sourdes. Par exemple, il n’y a aucun signe pour parler du système endocannabinoïde, des produits topiques, du distillat, du chanvre, des terpènes, et d’autres termes qui permettent à quiconque de mieux comprendre les bienfaits possibles du cannabis. Autre obstacle : une personne sourde appellant des professionnels médicaux pour obtenir la certification (dans les états américains cela est légal) ou se présente à un rendez-vous sans un service d’interprétation quelconque, sa capacité à discuter des avantages médicaux est très limitée.
Les discussions peuvent même ne pas avoir lieu si la personne à l’autre bout du téléphone ou de l’autre côté du bureau refuse d’acquiescer, même de la moindre façon. David Cabral, activiste dans les communautés sourdes et militant du cannabis est le fondateur de la National Cannabis Disability Association. Il fait souvent face à cette discrimination. On lui a refusé du papier et un stylo pour lui transmettre des informations, et des personnes lui ont raccroché au nez avant que le service d’interprétation téléphonique n’ait eu la chance de le joindre. Les personnes entendantes, même celles qui parlent couramment la langue des signes, ignorent souvent la façon dont les personnes sourdes communiquent.
Dans les dispensaires, même avec un personnel formé et compétent, cela ne fonctionne pas lorsque le client doit épeler « système endocannabinoïde ». Il n’existe pas de moyens d’exprimer les nuances des différentes souches. Tout un vocabulaire manque dans la langue des signes. De plus, les entreprises n’offrent aucun type de formation en communication pour parler précisément avec les sourds.
Cabral explique à High Times que l’embauche de personnes sourdes pour les consulter dans le processus de formation des vendeurs peut vraiment aider. Vivant à Boston, il ne voit pas beaucoup de représentation sourde dans l’espace de vente du cannabis, mais il sait qu’il y a des personnes sourdes qui veulent travailler dans le domaine du cannabis. Il suggère d’embaucher des personnes sourdes dans les entreprises de culture, de fabrication et les entreprises auxiliaires ; il dit que l’une des principales raisons pour ne pas voir plus de personnes sourdes dans le monde du cannabis est financière.
Cabral s’efforce d’obtenir la participation d’un plus grand nombre de personnes sourdes à ces événements en ayant des interprètes présents, et ses objectifs à long terme comprennent la participation d’entreprises du cannabis appartenant à des sourds à des panels, comme commanditaires et fournisseurs.
Ses objectifs à court terme sont de fournir de l’information à la communauté du cannabis pour permettre une plus grande accessibilité à la communauté sourde par des moyens concrets comme l’interprétation à distance par vidéo (VRI), le téléphone vidéo et les sous-titres pour malentendants disponibles dans les magasins. Par le biais d’ateliers éducatifs et de webinaires, il veut offrir aux entreprises des moyens accessibles de former le personnel à l’interaction avec les interprètes, et même des phrases simples en langue des signes qui pourraient faciliter une conversation de base avec une personne sourde.
Même une compréhension rudimentaire serait un bon début pour les entreprises qui n’ont pas les ressources nécessaires pour mettre en œuvre les autres outils. Stephanie Kerns, une activiste du cannabis qui travaille dans le milieu de la vente de cannabis depuis 2011, affirme que les vendeurs ne reçoivent pas une formation adéquate. Ayant pratiqué la langue des signes pendant plusieurs années, elle était souvent la vendeuse qu’un client sourd recherchait.
Mme Kerns dit qu’elle a vu des clients sourds se sentir frustrés par le manque d’attention accordée et que dans une situation aussi délicate, la patience est essentielle. Si les vendeurs apprenaient 10 à 15 signes qui aideraient à la communication, l’environnement serait plus inclusif. L’embauche d’une personne sourde pour enseigner les signes et pour offrir un type de formation de sensibilisation permettrait également une discussion plus précise et donc plus sûre concernant les produits.
L’ajout d’autres signes pour couvrir ces termes faciliterait grandement la communication pour les personnes sourdes et malentendantes. Une interprète professionnelle, Renae Erbaccia, a vu ce besoin lorsqu’elle a essayé de discuter des propriétés médicinales du cannabis. Elle a vu le besoin d’un glossaire complet des termes du cannabis en langue des signes qui permettrait d’éliminer certains de ces obstacles.
De cette prise de conscience est né un projet appelé Signs for the Times, une collaboration entre le Dr Regina Nelson de l’association éducative à but non lucratif The ECS Therapy Center et une équipe de professionnels sourds. Nelson a été engagé pour enseigner aux membres de l’équipe les bases du cannabis, dans le but de créer un glossaire vidéo des termes du cannabis disponible dans chaque dispensaire. L’équipe de professionnels sourds est dirigée par Ryan Kobylarz, PhD.
« Ryan et Regina Nelson se rencontreront bientôt pour établir un plan afin de permettre à ce projet de prospérer « , dit Erbaccia.
Malheureusement, les projets d’Erbaccia et de Cabral manquent de financement et d’attention de la part du reste de la communauté du cannabis. En raison du manque de collecte de fonds, M. Erbaccia affirme que le projet n’a pas démarré comme prévu, mais les choses avancent toujours. Cabral n’a même pas reçu le quart du montant nécessaire sur sa page Go Fund Me, mais cela ne le ralentit pas.
Parce que le cannabis est une industrie émergente, les choses bougent vite, et Cabral comprend qu’il y a beaucoup de travail à faire en peu de temps. Pour que la communauté sourde puisse adopter le cannabis, elle doit avoir les mêmes possibilités de faire une demande de licence que les producteurs et les fabricants. Des obstacles à l’accessibilité existent dans tous les secteurs de l’espace du cannabis, bien au-delà du milieu médical et de la vente au détail, et Cabral fait tout ce qui est en son pouvoir pour changer cela.
En ayant accès à la discussion vidéo disponible, souligne Cabral, ce serait un gros bonus pour les personnes sourdes. Pour l’instant, il n’y a pas beaucoup de choix pour une personne sourde qui veut discuter des produits ou poser des questions. Cabral dit que les personnes entendantes supposent que les personnes sourdes peuvent lire quelque chose qui n’a pas de traduction en langue des signes.
« Les gens ne peuvent pas comprendre que l’on peut lire une chose, de comprendre une chose, et ils vont juste éviter [d’acheter du cannabis] selon mes constatations « , dit Cabral à High Times.