Histoire de la Gan-Jah & des rastas
Ce qui a débuté comme un mouvement religieux syncrétique au début du siècle dernier a également affecté les zones un peu moins tropicales comme Londres, l’Ukraine, Florentin et le reste du monde… Mais quelles sont les origines du mouvement Rastafari ? Quelle est l’histoire de la religion de la Ganja ? Et pourquoi est-elle liée aux fondements du Judaïsme ? Réponses de la Jamaïque.
Le Moïse noir
La personne à l’origine du mouvement rastafari est Marcus Garvey, né en 1887. Jamaïcain installé à Harlem, il préconisait une doctrine nationaliste qui souhaitait unifier les Noirs du monde entier.Il adopte le slogan « One God, One aim, One destiny » (Un dieu, Un but, Une destinée) et fonde l’UNIA, l' »Association Universelles pour le Développement des Nègres ».
« …. C’est alors que je vis devant moi le nouveau monde de l’homme Noir, non pas un monde de pions, de serfs, de chiens, mais une Nation d’hommes résolus à marquer la civilisation de leur empreinte et à faire briller sur la race Humaine une nouvelle lueur. Je ne pouvais plus rester dans l’ombre… »
Marcus Garvey fut désigné comme « Président Intérimaire de l’Afrique ». Il a également choisi un drapeau de la Nation Noires : Rouge, pour le sang qui fût versé, Noir, symbole de la fierté, et vert, promesse d’une vie meilleure.
« Nous sommes les descendants d’un peuple qui a beaucoup souffert, nous sommes descendants d’un peuple résolu à ne plus souffrir. (….) Si l’Europe est aux Européens, alors l’Afrique doit être à tous les Noirs du monde. »
Garvey considéré comme le moise noir par ses adeptes, prédit également qu’un roi noir serait couronné en Éthiopie. Garvey mourra dans la solitude dans les années 1940
» Regardez vers l’Afrique où un grand roi noir sera couronné, car le jour de délivrance est proche ».
Couronnement de Hailé Sélassié
Selon la tradition éthiopienne, et pour les Rastas, Hailé Sélassié est le descendant de Melenik I, fruit des amours légendaire de la Reine de Saba et du Roi Salomon, soit le le 225e descendant de la dynastie. Les rastas prônent alors la réalisation de l’idéal biblique.
Le terme de Ras Tafari fut alors adopté : le mot vient des termes « ras » signifiant « tête » ou « chef », et « Tafari », « celui qui est craint », qui est le prénom de naissance donné à Hailé Sélassié Ier, empereur d’Éthiopie de 1930 à 1974. Pour les Rastafaris Hailé Sélassié, le Negus est perçu comme le christ noir, le messie et aussi comme le prophète de l’islam.
Cet homme au charisme réel était monté sur le trône d’Abyssinie en 1930. Il s’était fait connaître en résistant à l’assaut des troupes de Mussolini, en octobre 1935. Une résistance valeureuse mais sans espoir. Lâché par la Société des nations, l’empire de Hailé Sélassié cède sous la pression des Italiens., ce qui l’amena à se réfugier en Israël, à l’hôtel « King David » de Jérusalem puis à Londres en mai 1936, ou le Négus, devenu un héros antifasciste, continue la lutte et rallie les soutiens.
Sélassié, a symbolisé, mieux que tout autre, la volonté d’indépendance de l’Afrique, est un des pères du panafricanisme.
Le père du mouvement Rasta
Leonard Howell, vit dans le couronnement de Hailé Sélassié la réalisation de la prophétie de Marcus Garvey. Il fonda alors la première communauté rasta. Dans les années 40, la communauté rasta de Howell avait pris de l’ampleur. Elle s’installa alors aux abords de Kingston et y construisit un bidonville qui prit le nom de Back-a-Wall. Il fut rasé dans les années 60…
L’oppression contre les Rastas était forte, malgré l’essor du mouvement Elder Howell fut arrêté pour utilisation et possession de marijuana, comme des milliers d’autre rastas… Les rastas furent implacablement persécutés par la police et les élites qui considèrent le rastafarisme comme une force politique puissante qui unifie les membres marginalisés de la société.
La plupart des rastas allèrent alors se réfugier dans le tout proche quartier de Trenchtown.
La visite de Hailé Sélassié
En avril 1966, Hailé Sélassié, empereur d’Éthiopie, se rendit en Jamaïque pour une visite diplomatique. Celui que les rastafaris considéraient comme un dieu vivant et appelaient «Jah» fut accueilli à l’aéroport de Kingston par des milliers de rastas en transe.
L’empereur ne connaissait pas les croyances des rastas et prit peur… Mais sa visite marqua les esprits et fit décupler la ferveur de la communauté rasta.
Beaucoup se convertirent à la suite de cette visite.
Mort du chef du plus vieil empire du monde…
Hailé Sélassié est mort un peu moins d’un an après avoir été destitué. Étranglé, le 25 août 1975, sur ordre du colonel Mengistu Hailé Mariam. Le dernier roi d’Éthiopie croupissait dans un cachot depuis sa déposition, le 12 septembre 1974, par la junte militaire « révolutionnaire ».
Hailé Sélassié était un mythe. Il devait en partie son prestige à un lignage exceptionnel. « Roi des rois », « Lion conquérant du royaume de Juda », « Élu de Dieu », chef du plus vieil empire du monde…
À la chute du communisme, en 1992, les restes de Hailé Sélassié, ensevelis sous le bureau de Mengistu, sont retrouvés. En novembre 2000, des funérailles sont enfin organisées et le Roi des rois est inhumé dans la crypte de la cathédrale orthodoxe de la Trinité, à Addis.
Pour les rastamen de Kingston, Jamaïque, qui ont fait le voyage par centaines pour ses funérailles, « King Sélassié », même mort, est toujours un prophète. Jah lives !
Scission du mouvement Rasta
Le mouvement rasta finira par se scinder en plusieurs mouvements dont les plus connus sont les Twelve Tribes Of Israël dont fit partie Bob Marley, et les Bobo Shantis, qui croient en la divinité de leur leader, Prince Emmanuel, autoproclamé troisième branche de la sainte Trinité.
Aujourd’hui, l’immense majorité des rastas n’appartiennent à aucun mouvement et vivent leur foi comme ils l’entendent.
La nourriture i-tal
La nourriture ital se doit aussi normalement d’être « bio » ; les rastas rejettent ce qui n’est pas naturel (colorant, agents conservateurs).
Les autres valeurs de la religion rastafari sont également tirées d’interprétations de la bible, principalement du chapitre des « Nombres ». Dans ce chapitre où « L’Éternel parla à Moïse » il est par exemple dit que lorsque quelqu’un se consacre à l’Eternel, « il s’abstiendra de vin et de boisson enivrante » : les rastas rejettent ainsi l’alcool et toutes les drogues par principe.
Le régime i-tal, végétarien (parfois végétalien) et sans sel ajouté en est un. Le refus de consommer de l’alcool, le porc et les crustacés sont interdits.
Ganja, la nourriture spirituelle
Les Rastas fumaient du chanvre, appelé ganja en Jamaïque. Cette herbe fut introduite sur l’île par les colons britanniques qui la ramenèrent d’Inde. Les rastas la considéraient comme une herbe biblique, dont la consommation était un sacrement. La ganja est considérée comme le fruit de l’arbre de la vie et ne servant qu’à s’élever spirituellement.
Psaume 104:14 : Il fait germer l’herbe pour le bétail, Et les plantes pour les besoins de l’homme, Afin que la terre produise de la nourriture; Psaume 18:9 : Il s’élevait de la fumée dans ses narines, Et un feu dévorant sortait de sa bouche: Il en jaillissait des charbons embrasés
Le mot «JAH» est dérivé du nom de « Yahvé » , on peut interpréter Ganja par Gang-Ja, c’est à dire par « membres (Gang) de Ja ». Il est communément établi que la plante aide à la méditation, l’élévation spirituelle et même l’étude de la Thora.
Les dirigeants de l’Église de Hailé Sélassié affirme que l’utilisation sacramentelle de la ganja est analogue à la doctrine de la transsubstantiation, qui stipule que le pain et le vin sont transformés au cours des services de communion chrétienne dans «le corps et le sang de Jésus. »
Fumer de la Ganja chez les Rastas ne se fait jamais en vain.
Le symbole de résistance à Babylone
La Ganja est le symbole de résistance à Babylone, l’Angleterre coloniale, fille de l’impérialisme occidental. Babylone, cité biblique de toutes les perversions, symbolisant l’ordre social oppressant pour lequel les rastas éprouvent une profonde aversion.
La Ganja modifie les valeurs et les objectifs des peuples, en supprimant le besoin de courir après la définition de succès à Babylone… La Ganja modifie la conscience d’une manière telle que les utilisateurs préfèrent vivre dans une « création naturelle plus que de vivre dans la ville ».
La ganja induit un état d’esprit dans lequel les choses matérielles et le monde de Babylone deviennent secondaires, de sorte que la personne « herbalized » « commence à se voir comme une partie de la création » plutôt que comme un consommateur de produits et de plaisirs artificiels autodestructeurs.
La consommation de cannabis est considérée comme le symbole de l’exercice profane extérieur à l’autorité de Babylone. La communauté Rasta à courageusement résister aux lois et au pouvoir exécutif de Babylone, celui-ci incarné dans les gouvernements et forces de l’ordre.
Les tribus perdues
Le « retour » en Ethiopie devient une obsession, tout comme à l’image des premiers habitants juifs en Israël, ils veulent quitter Babylone pour rentrer dans le pays de Jah.
« cette démarche ressemble beaucoup à celle des sionistes avec l’odyssée de l’Exodus ». Bruno Blum.
Les Rastas épousent le mythe des tribus perdues qui se seraient égarées dans des îles de Caraïbes, en passant par l’Ethiopie. Les rastas ont par ailleurs des rites proches des religions sémitiques, les femmes couvrent leurs cheveux, et sont impures pendant leurs règles.
De la même manière, les Nombres disant de la personne soumise à Dieu que « le rasoir ne passera point sur sa tête », la religion rastafari prône les dreadlocks, également symbole des racines de la terre et du lion de Juda, et de la ganja.
Terre de Zion
L’Arche d’Alliance, contenant les Tables de la Loi et le bâton d’Aaron, dont la Bible perd trace après Salomon, fut confié l’Arche à son fils ainé Menelik, selon la tradition hébraïque, pour qu’il la préserve des convoitises.
Menelik 1er (ascendant de Hailé Sélassié) est reparti de Jérusalem, accompagné de plusieurs prêtres de haut rang, dont les Falashas, juifs noirs d’Ethiopie sont les descendants… La légende d’Hailé Sélassié acheva de confirmer l’Ethiopie comme terre promise pour les Rastas, Zion, le Sion (prononcé Zayan) chanté par les psaumes…
Selon Alpha Blondy : « Jérusalem a une grande dimension spirituelle pour les Rastas. Même s’ils n’ont jamais vu Israël, c’est gravé dans leur subconscient. »
La prophétie de Bob Marley
Malgré la prédominance du cannabis dans la culture jamaïcaine, seulement 5% de la population appartient au mouvement Rastafari. C’est seulement en juin 2014 que le gouvernement jamaïcain a adopté une politique de non-criminalisation, permettant l’usage rituel et de loisir de la marijuana.
Ces jours-ci le gouvernement envisage d’établir de nouveaux services touristiques tournant autour de la Ganja. La vente ne sera faite qu’en petite quantité et sera surveillée… Les Rastafari étaient persécutés jadis pour la Ganja et leur appartenance au mouvement, et cela pendant de longues années.
Aujourd’hui ils estiment que la disposition du gouvernement Jamaïcain (sous influence US) les prive encore d’une liberté totale, l’herbe faisant partie intégrante de leur mode de vie et de leur culte, est de leur Responsabilité !!
Toutefois, les améliorations contre les injustices du passé et l’utilisation légitime de la plante sur une base médicale et spirituelle est en phase de devenir universels, indépendamment de la religion, de la race ou du sexe… La prophétie de Bob Marley est en cours de réalisation.
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