Dans les collines marocaines, les cultivateurs de cannabis parient sur une industrie naissante

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Dans les collines marocaines, les cultivateurs de cannabis parient sur une industrie naissante

Le Maroc délivre les premiers permis de production de cannabis

Dans les collines du nord du Maroc, de vastes champs de cannabis sont prêts à être récoltés, mais les agriculteurs se plaignent qu’un plan gouvernemental visant à commercialiser légalement cette culture ne leur apporte encore aucun avantage.

La région marginalisée du Rif est depuis longtemps une source importante de haschisch illicite introduit en contrebande en Europe, tandis que les autorités marocaines, craignant des troubles sociaux, ont souvent fermé les yeux.

Les cultivateurs espèrent que le changement de loi , survenu l’année dernière, les aidera à profiter légalement du cannabis médicinal qui est de plus en plus utilisé pour traiter certaines maladies telles que la sclérose en plaques et l’épilepsie.

Le Maroc, premier producteur mondial de haschisch selon les Nations unies, se trouve aux portes de l’Europe et est potentiellement bien placé pour devenir un exportateur légitime de premier plan.

Mais une répression nationale contre les cultivateurs, la lenteur de la délivrance de licences pour la production légale et la forte concurrence des opérateurs européens ont laissé les agriculteurs du Rif sur le carreau.

Nous sommes toujours attaché à cette plante mais elle ne nous rapporte plus grand chose. Plus personne n’en veut et nos vies sont difficiles maintenant » a déclaré Souad une agricultrice de cannabis dont le nom a été changé

Comme d’autres personnes interrogées par l’AFP, elle n’a pas souhaité que son vrai nom soit publié.

“Personne n’en veut plus”, a déclaré Souad en haussant les épaules. “Nos vies sont difficiles maintenant”.

En vertu d’une loi que le gouvernement a approuvée en mars dernier, les agriculteurs pourront former des coopératives pour cultiver des quantités limitées de cannabis qui seront traitées et vendues par des entreprises agréées.

Souad, qui aide toujours ses fils sur la parcelle familiale malgré ses 60 ans, garde l’espoir timide que cela aidera sa communauté à mieux vivre.

“Si c’est sérieux, c’est une bonne chose”, dit-elle.

Les revenus des agriculteurs marocains provenant du cannabis sont passés de 500 millions d’euros (aujourd’hui environ 497 millions de dollars) par an au début des années 2000 à moins de 325 millions d’euros en 2020, selon une étude du ministère de l’Intérieur l’an dernier.

“Le marché a chuté de manière drastique”, a déclaré Karim, un autre cultivateur.

Pour ajouter à la pression, il n’a pu cultiver qu’une partie des terres de sa famille à Azila cette année en raison des pénuries d’eau provoquées par la pire sécheresse depuis des décennies.

Les autorités marocaines ont également intensifié les raids contre les agriculteurs dans le Rif, car elles cherchent à démanteler les réseaux de contrebande au profit du commerce légal.

“La seule option qui nous reste est la prison”, a déclaré cet homme de 44 ans.

Nourredine, un autre cultivateur de cannabis, a déclaré qu’il espérait lui aussi que la légalisation de cette drogue pourrait aider les agriculteurs du Rif.

Cependant, a-t-il ajouté, “jusqu’à présent, rien n’a changé. On nous voit toujours comme des voyous et des criminels, mais nous ne sommes que des agriculteurs.”

À six heures de route de là, dans la capitale Rabat, un fonctionnaire du gouvernement a insisté sur le fait que des temps meilleurs étaient à portée de main pour les cultivateurs de cannabis.

“Il peut y avoir des inquiétudes, mais la légalisation les dissipera car elle profitera aux cultivateurs”, a-t-il déclaré, demandant à ne pas être identifié car il n’était pas autorisé à parler aux médias sur le sujet.

Selon l’agence de presse nationale MAP, l’État estime que les cultivateurs pourraient recevoir environ 12 % des revenus de la production réglementée de cannabis, contre seulement 4 % sur le marché noir.

Les autorités ont toutefois souligné que le processus ne devait pas être précipité.

Mardi, l’ANRAC, une nouvelle agence gouvernementale inaugurée en juin pour réglementer l’industrie, a délivré les 10 premières licences à des entreprises qui traiteront la plante à des fins thérapeutiques.

Ensuite, ce sera au tour des agriculteurs des provinces rifaines d’Al-Hoceima, Chefchaouen et Taounate de former des coopératives et de s’enregistrer auprès de l’ANRAC en vue de recevoir des licences de production selon un système de quotas.

Selon la loi de 2021, les licences de production de cannabis ne sont accordées “que dans la limite des quantités nécessaires pour répondre aux besoins de la fabrication de produits à des fins médicales, pharmaceutiques et thérapeutiques”.

Les fermes de cannabis couvraient 55 000 hectares (environ 136 000 acres) dans le nord-est du royaume en 2019, fournissant des moyens de subsistance à près de 120 000 familles, selon une étude préalable à l’adoption de la loi.

Les groupes de la société civile de la région se mobilisent actuellement pour informer les agriculteurs sur les aspects techniques du nouveau système.

Certains détails sont “compliqués”, a déclaré Soufiane Zahlaf, qui représente les habitants d’Azila auprès des autorités à ce sujet.

“Mais si l’approche des autorités est inclusive, a-t-il ajouté, alors de grandes choses peuvent être réalisées.”

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